Cœur atomique

 

Une œuvre lumineuse, mais néanmoins bouleversante, qui dissipe les ombres pour s’ériger en hymne à la vie.

Akihiro, réalisateur japonais, vient de Paris, où il vit, interviewer à Hiroshima des survivants de la bombe atomique. Profondément bouleversé par ces témoignages, il fait une pause et rencontre dans un parc une étrange jeune femme, Michiko. Petit à petit, il se laisse porter par la gaîté de Michiko et décide de la suivre pour un voyage improvisé à travers la ville, jusqu’à la mer.

Nouvelle déclaration d’amour d’un cinéaste français à l’encontre du Japon, à l’instar de Vanja d’Alcantara (Le Cœur régulier) ou de Jean-Pierre Limosin (Tokyo Eyes), Lumières d’été se lève sur le calvaire des anonymes d’Hiroshima.

Au lendemain de la commémoration des 72 ans du bombardement américain, alors que les tensions entre l’Amérique qui se Trumpet l’ego dément du dictateur Nord-Coréen ravivent les souvenirs d’une page de l’Histoire que l’on ne pourra décemment jamais tourner, l’œuvre de Jean-Gabriel Périot est un sursaut à la délicatesse de ton, à la fois apaisante et bouleversante. Aux troubles des âmes, Jean-Gabriel Périot appose la simplicité et la sobriété, comme pour mieux contrôler l’émotion, pourtant vive, de son récit pluriel.

Le réalisateur d’Une jeunesse allemande (sur la Bande à Baader), décidément aussi à l’aise dans le documentaire que dans la fiction, opte, calcule, pour laisser le naturel humain l’emporter sur le dispositif cinématographique.

Ainsi, la mise en abîme évidente - un cinéaste japonais, mais vivant à Paris, investit Hiroshima pour laisser sa caméra capter les témoignages du drame - est un prétexte narratif qui donne davantage de poids aux liaisons entre le passé et le présent. Il s’agirait de s’introduire dans le film pour en effacer toute trace de cinéma.

Les rencontres successives, celle avec une survivante qui trouve la force de dire l’indicible, mais sans rancœur, ou avec une jeune femme qui pourrait être la réincarnation présente et pleine de vie de la sœur irradiée du témoignage bouleversant de cette survivante, confirme l’intelligence de point de vue.

Jean-Gabriel Périot, pour relater l’horreur, a choisi la vie, la lumière, des contrastes qui prennent progressivement tout leur sens pour concilier ce que beaucoup de gens considèrent comme inconciliable. Pour signifier l’important de l’instant, il déploie la lueur en chassant les ombres.

Il s’en dégage un hymne à la vie qui poursuit le travail de mémoire que Resnais et Duras avaient entrepris habilement dans le film miroir Hiroshima mon amour, dans lequel les rôles étaient troqués. Le cinéaste de Lumières d’été était alors actrice, la sublime Emmanuelle Riva y rencontrait un Japonais, plus qu’un amant, un confident... Des correspondances qui donnent toujours plus de valeur à cette œuvre apaisante qui sonne comme un sursaut atomique au cœur de cet été cinématographique 2017 pauvre de sens.

 

Frédéric Mignard
À voir, à lire
16 août 2017
www.avoir-alire.com/lumieres-d-ete-la-critique-du-film